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DSIH – Convergence : une plateforme d’intermédiation au GHT Lorraine Nord

DSIH n°31, Octobre 2020

C’est acquis, la crise du Covid 19 a agi comme un accélérateur culturel du numérique dans les établissements de santé. Un constat qui donne tout son sens au projet de convergence du GHT Lorraine Nord basé sur un portail e-santé. Voici un point d’étape sur ce projet singulier à plus d’un titre, porté par le CHR Metz-Thionville, l’établissement support du GHT.

Faire table rase des pratiques existantes dans les différents établissements du GHT pour mettre en place le DPI de l’établissement support ou privilégier une approche plus pragmatique permettant à chaque établissement, grâce à une plateforme d’intermédiation, d’atteindre les objectifs de convergence en tenant compte de leurs spécificités ? C’est la seconde option qui a été suivie par le GHT Lorraine Nord pour ces 6 établissements[1]. Un GHT qui couvre un bassin de population dense avec 900 000 habitants pour 7 000 km² et qui présente plusieurs singularités. Il est le seul GHT de France à avoir trois frontières, avec la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne. En outre, il se trouve à cheval sur 2 départements : la Moselle et la Meurthe-et-Moselle, « avec des particularismes locaux qui complexifient les rapports sanitaires entre les établissements membres, en dépit d’une direction commune », indique Michaël De Block, Directeur du Système d’Information du CHR Metz-Thionville et du GHT Lorraine Nord. Autre particularité, un profond déséquilibre, tant en matière d’offre de soins que financier, entre un établissement support de 2 300 lits et les établissements parties de 200 à 400 lits en moyenne.

Un financement européen

Avec ses 3 frontières européennes, c’est tout naturellement que le GHT s’est tourné vers l’Union Européenne, pour solliciter un appui financier dans le cadre d’un projet FEDER (fonds européen de développement régional) permettant de répondre à deux problèmes : « faire converger les hôpitaux en maîtrisant les dépenses et sans remettre en cause les écosystèmes locaux » et « proposer des téléservices à la population qui ont montré leur intérêt pendant la crise de la Covid-19 ». Sans parler de quadrature du cercle, l’exercice nécessite de l’agilité. « On demande depuis 2 ou 3 ans aux DSI de faire converger les données tout en ouvrant les SI sur l’extérieur avec des téléservices, comme le requiert le programme Hop’en », indique Michaël De Block. Il réfute toute volonté de « dissidence » avec les programmes nationaux : « Nous soutenons totalement le programme e-parcours porté dans notre région par le GRADeS Pulsy, mais nous souhaitons financer localement un outil nous permettant d’avoir une identité commune à l’échelle du GHT, d’échanger des informations en cohérence avec le projet médical partagé, en ajoutant des téléservices à destination de la population » : prise de rendez-vous, préadmissions et paiement sur internet, compte patient sécurisé, compte professionnel de santé sécurisé ou encore des applications mobiles au service de filières de soins déjà définies dans le projet médical partagé et qui n’attendent plus qu’une informatisation. L’aide européenne obtenue en octobre 2019 s’élève à 3,2 millions d’euros.

Un consortium de partenaires complémentaires

Une procédure avec négociation de 9 mois a rapidement suivi. Sur les 14 consortiums qui se sont se positionnés, c’est celui réunissant le groupement d’intérêt public SIB, éditeur et hébergeur de la plateforme d’intermédiation eDen, le groupe NEHS Digital, éditeur, distributeur et intégrateur de solutions santé et le groupement d’intérêt public Symaris, éditeur spécialiste du monde psychiatrique, qui a été retenu pour mettre en place le futur portail e-santé du GHT Lorraine Nord. Ce portail s’inscrit dans le projet de territoire de soins numérique et se nomme SILLONS pour système d’information et de liaison Lorraine Nord Santé.

Pourquoi ce choix ? L’offre du consortium piloté par le SIB était celle qui répondait le mieux aux critères du cahier des charges :

  • cohérence avec l’enveloppe financière européenne ;
  • expertise hospitalière avec deux GIP connaissant bien les contraintes et attentes des établissements de santé, y compris dans le domaine de psychiatrie couvert par deux établissements du GHT ;
  • capacité à s’appuyer sur un socle SI existant adaptable, en l’occurrence l’EAI Cloverleaf et la plateforme eDen. « Le portail du SIB, éprouvé dans de nombreux hôpitaux en France, offre une agilité dont nous avons besoin », indique Michaël De Block qui défend l’idée que chaque région a ses particularités, ses forces médicales et personnalités pour porter des filières ;
  • assistance à la maîtrise d’ouvrage avec le cabinet Oratorio du groupe NEHS Digital spécialiste de logiques organisationnelles des établissements de santé et la méthode DRHEAM portée par le GIP Symaris. « Nous avons beau savoir ce que nous voulons, nous ne sommes pas habitués à porter des projets de cette envergure. Ces accompagnements méthodologiques sont indispensables », souligne le DSI du GHT.

Un portail de téléservices

Les médecins du CHR sont impatients. Durant la crise Covid, ils ont eu à disposition une large palette d’outils numériques, pour assurer le suivi des patients à domicile ou encore réaliser des téléconsultations. SILLONS va permettre de mettre en cohérence tous ces outils.  Comme le rappelle Michaël De Block, « la Covid aura hélas été le meilleur moyen de convaincre les réfractaires de l’importance du numérique pour piloter une activité hospitalière en contexte de crise, mais aussi de GHT. Les professionnels de santé sont en effet amenés à faire de nombreux déplacements sur notre territoire ».

L’enjeu de SILLONS est également de rattraper le retard du GHT en matière de convergence de dossier patient informatisé. Le socle technologique de SILLONS a vocation à s’interconnecter à tous les DPI et au serveur de rapprochement des identités du GHT. Sur ce socle technologique de convergence vont être développés des téléservices. Cela va de la prise de rendez-vous au paiement en ligne, en passant par la préadmission et la téléconsultation sécurisée, unifiée et communiquant avec le DPI. À partir de janvier 2021, ce sont 14 téléservices médicaux qui vont progressivement élargir le panel, en lien avec le projet médical partagé. Citons, par exemple, le suivi de l’ostéoporose fracturaire, initié par le Dr Didier Poivret, rhumatologue du CHR. Il va permettre aux médecins hospitaliers et de ville, aux radiologues et aux acteurs de soins à domicile de suivre le patient de la découverte de sa pathologie jusqu’au traitement et son suivi. Dans le même ordre d’idée, pour le téléservice oncologie, on peut citer l’application de suivi de chimiothérapie ambulatoire. Le patient à domicile fait part de son état général à l’aide de questionnaires sécurisés. Selon les réponses, des algorithmes orientent l’éventuelle réponse médicale à apporter : réajustement du traitement, prise de rendez-vous automatisée pour consulter rapidement l’oncologue ou encore prise en charge par le SAMU en cas de dégradation de l’état de santé. « Tous ces projets d’outils de communication sécurisés entre les praticiens hospitaliers, les professionnels de vie et les patients sont une déclinaison locale en résonnance avec le programme national e-parcours », fait remarquer Michaël De Block. SILLONS fait également écho au programme Ma Santé 2022 et au récent Ségur de la Santé, dans une logique de maintien du lien de la population avec les établissements de proximité, tout en permettant le recours à un établissement de plus haut niveau quand de besoin.

Une collaboration avec le service informatique territorial

La réussite de ce projet passe par l’implication des équipes informatiques du GHT. « Nous avons travaillé à l’élaboration d’un protocole de mise en œuvre des téléservices, en lien avec le cabinet Oratorio et en s’appuyant sur la méthode DRHEAM du GIP Symaris », explique Dominique Chaptal, chef de projet SI – maîtrise d’ouvrage au CHR Metz-Thionville. « L’essentiel du travail réalisé dans notre GHT depuis 2 ans a été de construire un service informatique territorial, ajoute Michaël De Block. Nous avons ainsi une DSI commune et des responsables SI dans chaque établissement qui vont faciliter la communication et les actions à mener pour mettre à niveau les SI de chaque site afin de s’interconnecter avec SILLONS».

Une formation des utilisateurs

Il n’y a pas d’enveloppe spécifique de formation. Le GHT a souhaité développer des outils les plus intuitifs et ergonomiques possibles qui vont faciliter le e-learning. Il va également pouvoir s’appuyer sur les référents métiers des filières qui ont initié des téléservices médicaux, pour former par compagnonnage leurs homologues et les agents dans les services de soins, et au-delà. « Les médecins sont les meilleurs ambassadeurs de leurs outils », souligne Michaël De Block. En outre, ajoute Dominique Chaptal, « les choix techniques pour le portail eDen ont été faits pour s’adapter aux outils en place et limiter les modifications dans les logiques de travail existantes des agents et professionnels de santé. Ce qui va restreindre les besoins de formations ». Cette approche reste dans la logique de capitaliser sur les acquis qui prévaut au déploiement du portail e-santé du consortium SIB-Nehs-Symaris .

« Nous espérons que ce projet innovant pourra servir de cas d’école, pour permettre aux GHT qui ne peuvent pas mettre en place de DPI unique, une convergence qui a pris du retard, en ouvrant sans attendre des téléservices à la population et en soutien opérationnel des filières médicales et de soins des GHT, dans un contexte d’attente forte des patients et des professionnels de santé », conclut Michaël De Block.


[1] Centre hospitalier régional Metz-Thionville, Centre hospitalier de Briey, Établissement public départemental de santé de Gorze, Centre hospitalier Le Secq de Crepy-Boulay à Boulay-Moselle, Centre hospitalier spécialisé de Jury-les-Metz et Centre hospitalier de Lorquin