Hospitalia – La digitalisation des soins sous la loupe des éditeurs publics

Après avoir débuté comme soignant au CHU de Rennes dans les années 80, Olivier Morice-Morand a ensuite rejoint le corps des directeurs d’hôpital, faisant ses armes dans plusieurs établissements de l’Ouest de la France. En 2010, il devient Directeur Général du Groupement d’Intérêt Public SIB, et entame en septembre 2014 son premier mandat à la présidence de l’ASINHPA (Association des Structures d’Informatique Hospitalières Publiques Autonomes). Rencontre.

L’existence-même de la dizaine de structures d’informatiques hospitalières publiques fédérées au sein de l’ASINHPA représente une spécificité française. Pouvez-vous nous en parler ? 

Olivier Morice-Morand : La France a en effet cela de particulier que le marché de l’informatique hospitalière associe certes des éditeurs privés, mais aussi des éditeurs publics nés dans les années 70 au sein des grands Centres Hospitaliers Universitaires. Disposant de budgets annexes, ces Centres Régionaux d’Informatique Hospitalière (CRIH), se sont peu à peu autonomisés, avant de se transformer en Syndicats Inter-Hospitaliers (SIH) et en Groupements d’Intérêt Public (GIP). Cette singularité se retrouve aujourd’hui dans les statuts de l’ASINHPA, une association qui porte les valeurs du service public et de la coopération et qui œuvre en faveur de l’intérêt général. Les structures publiques de coopération, – historiquement régionales – ont joué un rôle majeur, au sein des territoires, sur tous les pans des systèmes d’informations hospitaliers (SIH) et de santé (SIS). Intégrant l’innovation au cœur de leur démarche, nos membres contribuent fortement à l’adaptation et la mise en œuvre concrète des nouveaux SIS adaptés au contexte actuel de mise en place des GHT.

Vous avez été témoin d’un certain nombre d’évolutions ces 10 dernières années. Quels ont été à votre sens les événements les plus marquants ? 

O. M.-M.  : Citons, pour commencer, le déploiement de suites administratives complètes au sein des établissements publics de santé, qui a ouvert la voie aux projets de dématérialisation tels que FIDES, Chorus Pro et SIMPHONIE. Les hôpitaux sont également passés d’un dossier patient « bureautique » à un véritable Dossier Patient Informatisé (DPI) intégrant notamment la production de soins, ce qui a conduit les pouvoirs publics à s’interroger sur l’accessibilité, la disponibilité et la sécurisation des données de santé à caractère personnel et donc à mettre en place l’agrément Hébergeur de Données de Santé. Autre événement à noter, l’évolution du projet de DMP, passé en dix ans du dossier médical personnel au dossier médical partagé, ce qui malgré son « échec » relatif, incarne la compréhension capitale de la notion de partage des données de santé, désormais au cœur des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT). Ces derniers se placent d’ailleurs dans la continuité des coopérations inter-hospitalières et des mutualisations des moyens initiées avec les CRIH, et à ce titre inscrites dans notre ADN et celle de nos membres. L’ASINHPA est donc d’autant plus légitime pour accompagner ce mouvement de fond. Je retiendrai pour finir la modification des relations soignant/soigné, corollaire de la digitalisation de l’hôpital et de la diffusion des technologies de l’information et de la communication à toutes les strates de la société civile : devenu lui aussi un sachant de par les nombreux outils dont il dispose, le patient est désormais acteur de sa santé. 

Quelles tendances identifiez-vous pour les mois et années à venir ? 

O. M.-M.  : Un enjeu majeur résidera dans la mise en œuvre de la convergence par domaine fonctionnel au sein des GHT, un chantier complexe mais structurant pour l’avenir des organisations sanitaires. Il nous faut donc préparer le terrain en renforçant l’interopérabilité informatique, et nos membres et adhérents s’y consacrent activement. Une autre tendance réside dans la prise en compte des évolutions techniques, fonctionnelles et particulièrement organisationnelles qui permettent d’améliorer toujours plus l’expérience patient, à l’instar des objets connectés par exemple. Mais leur potentiel applicatif ne doit pas faire oublier leurs risques potentiels, notamment sur le plan éthique. C’est d’ailleurs là un axe de travail important pour l’ASINHPA qui, en tant qu’acteur public soucieux de l’intérêt général, porte cette double réflexion. Nous sommes donc très attentifs aux évolutions du Big Data et de l’intelligence artificielle au service de la santé dans l’optique de proposer une médecine 5P (prédictive, préventive, personnalisée, participative et pertinente).